Grammaire du français
-Approche énonciative
A
petits mots, grandes fonctions
Les extraits qui suivent ont pour objet de souligner l’importance qu’il
faut attacher à l’étude analytique et synthétique
de ces nombreux mots, appelés mots-outils, dont les langues fourmillent
et que les enfants utilisent peu ou mal à propos.
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CHAPITRE
N° 20 - Prépositions & Conjonctions [Extrait]
1
Définition
On les appelle mots-outils ou mots de liaison. Contrairement aux mots qui
réfèrent à ou qui désignent des éléments
de la réalité extralinguistique, les mots-outils ne recouvrent
aucune de ces réalités.
Traditionnellement,
ils sont syntaxiquement classés en deux catégories :
Conjonctions
de
- Coordination : et,
ou,
ni,
mais,
or,
car,
donc.
- Subordination : que,
tandis
que, bien que...
Prépositions
de
- Lieu : sur,
au
dessus de,
vers,
de,
loin
de, à,
derrière...
- Temps : pendant,
en,
à,
dès,
après,
avant...
- autres : avec, au moyen de, sans, par...
2
Notre démarche
Loin de nier la nécessité d’un tel classement de surface
pour des élèves en classes primaires, on se donne pour objectif
de dépasser cette description formelle pour déceler l’opération
profonde dont ces mots peuvent être les opérateurs.
Étude
d’un cas de préposition - conjonction
1 - Il raconte des histoires pour
enfants.
2 - Il raconte des histoires pour
rire.
3 - Il raconte des histoires pour
que nous nous amusions.
4 - Il est venu pour
deux mois.
5 - Il a pris Jacques pour
un imbécile.
6 - Pour les
parents, les enfants doivent passer en classe supérieure.
L’analyse
traditionnelle distingue trois catégories :
-
dans les énoncés 1 - 4 - 5 - 6, pour est une préposition
suivie de noms ;
-
dans l’énoncé 2, pour est considéré
comme mixte soit préposition soit conjonction de subordination,
selon que rire est considéré comme verbal ou nominal
;
-
dans l’énoncé 3, pour est classé comme
conjonction de subordination.
Il
s’agit là de pure description syntaxique qui décrit sans
expliquer.
Il
est possible de découvrir l’opération commune à ces
« divers » opérateurs.
Notre
première impulsion serait de poser que, sémantiquement, pour
introduit généralement un Complément de rang 2, une
sorte d’objet second en relation forte avec le prédicat. C’est vrai
dans un grand nombre d’énoncés du type :
Elle tricote pour
son futur bébé. [C 2 ou
C. d’attribution]
Mais
dans nos exemples, pour introduit :
-
en 1 et 2, des compléments du nom, sorte de qualificatifs ;
-
en 3 et 6, des compléments circonstanciels extérieurs au
procès lui-même (en 3 il exprime le but, en 6 il exprime l’idée
qu’on peut gloser ainsi : Aux yeux des parents) ;
-
en 4, un complément d’objet du procès, c’est l’objet de sa
venue ;
-
en 5, un attribut de l’objet.
Cependant, on peut tout de même dire que pour introduit un
Complément de rang 2 qui exprimerait une notion plus large que celle
de l’attribution : ce serait la notion de distance entre le verbe et le
complément, celle de visée, de non-réalisé,
à la fois distance et lien entre ce qui est fait (le procès)
et ce pour quoi (ou pour qui) c’est fait.
Maman fait la cuisine pour
la famille. [la cuisine = C 1, la famille
bénéficiaire = C 2]
Ne prenons pas nos élèves
pour
des enfants. [rapprochement et distanciation]
Il signe pour
son père. [lien et distance]
Nous nous revoyons pour
Pâques. [distance entre temps de
l’énoncé et son objet]
Cette brève étude sur la préposition pour
nous montre que la classification traditionnelle, si elle est pratique
au plan descriptif, ne fait pas apparaître la réalité
profonde de l’opération linguistique, alors qu’il est possible de
faire apparaître l’opération « lien / distance »,
comme on vient de le montrer.
[Fin
de l’extrait]
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CHAPITRE
N° 21
Étude
détaillée de quelques couples de Conjonctions [Extraits]
1
PARCE QUE / PUISQUE
Soit
deux énoncés simples :
A Il
pleut.
B Je
prends mon parapluie.
Sur le plan extralinguistique, ou encore sur celui des relations primitives,
tout le monde est d’accord pour reconnaître que A est la cause, et
B l’effet, la conséquence. On dit aussi que l’énoncé
A sert de repère constitutif à l’énoncé B.
De
là on tire la relation simple :
1 - Je prends mon parapluie parce
qu’il pleut.
Mais
on peut avoir par déduction argumentaire :
2 - Puisque
je prends mon parapluie, c’est qu’il pleut.
Cependant
*Il
pleut parce que je prends mon parapluie.
est absurde, sauf venant d’un humoriste,
mais
on peut avoir
3 - Puisqu’il
pleut, je prends mon parapluie.
Adjonction
possible de « c’est... que... » pour souligner un argument
:
C’est parce
qu’il pleut, que je prends mon parapluie.
*C’est
puisque... est impossible.
Ce
jeu argumentaire utilise la relation primitive « pluie - moi prendre
parapluie » :
-
Dans l’énoncé 1, avec parce que, l’énonciateur
explique son acte en donnant une information (connue de l’autre), comme
cause directe de cet acte.
-
Dans l’énoncé 3, avec puisque, l’énonciateur
reprend une information connue des deux interlocuteurs, pour en déduire
la nécessité de prendre son parapluie.
-
Mais dans l’énoncé 2, l’énonciateur s’appuie sur la
conséquence pour en déduire, au bénéfice de
son interlocuteur, la cause, c’est à dire la pluie.
2
CAR / PARCE QUE
Constat
Énoncé 1 : Je ne peux pas
sortir, car
il pleut.
Énoncé 2 : Je ne peux pas
sortir parce qu’il
pleut.
Par
contre, *Car il pleut, je ne peux pas sortir est impossible.
Mais
Parce
qu’il pleut, je ne peux pas sortir
est possible et acceptable.
De
plus, C’est car... est impossible ; c’est parce qu’il pleut...
est possible.
Analyse
-
Car
relie deux énoncés de même niveau, qui sont deux informations
nouvelles ayant entre elles une relation causale.
-
Parce
que reprend l’énoncé « il pleut »,
dit ou non dit, mais présupposé connu de l'interlocuteur
et le donne comme cause directe de l’énoncé de base «
Je
ne peux pas sortir » qui apporte une information nouvelle.
Parce
que pourrait se gloser : à cause de ce fait à savoir
que. Cette conjonction permet de nominaliser l’énoncé
repris, d’en faire un Complément 3 de cause, opération impossible
avec car.
Il
est plus simple de dire :
Énoncé 1 : Je ne peux pas
sortir, car [je vous l’annonce] il
pleut.
Énoncé 2 : Je ne peux pas
sortir, parce que [comme vous le savez] il
pleut.
Ajoutons
que, dans le langage courant, cette opposition est souvent neutralisée.
[…]
Indications
pédagogiques [Extraits]
Progression
[…]
Objectif
pratique
La relation causale profonde « pluie - moi ne pas sortir »
peut s’exprimer de plusieurs manières non équivalentes et
donner lieu à une série d’énoncés paraphrastiques
:
Il pleut, je ne sors pas.
[juxtaposition des deux énoncés simples]
Il pleut, donc je ne sors pas.
[coordination indiquant la conséquence]
Je ne sors pas car il pleut. [coordination
indiquant la cause]
Je ne sors pas puisqu’il pleut.
[subordination de cause attribuée à l’autre]
Je ne sors pas parce qu’il pleut. [la
cause est énoncée par moi]
Je ne sors pas s’il pleut.
[hypothétique de condition ou = si vous me dites qu’il pleut]
Je ne sors pas quand il pleut.
[hypothétique itérative]
Les différences résident soit dans le terme souligné
par l’énonciateur, soit dans la modalité choisie par l’énonciateur
par rapport à l’énoncé et au co-énonciateur,
soit dans le fait que l’information est présupposée connue
ou non du co-énonciateur.
[Fin
de l’extrait]
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CHAPITRE
N° 22 - Les adverbes [Extraits]
1
Propriétés
Outre leur caractéristique formelle d’invariabilité, ils
présentent les propriétés :
d’un
Groupe Nominal Complément de verbe ou d’énoncé
Il vient me voir quotidiennement. [C.
circonstanciel de temps de l’énoncé = chaque jour]
de
pouvoir faire partie
du
Groupe Verbal : Il travaille vite.
[précise la qualité propre du travail]
du
Groupe Adjectival :
...une maison très au dessus de
ses moyens...
...une nouvelle vraiment étonnante...
du
Groupe Adverbial :
...fort justement...
...très bien...
de
servir parfois d’outil de liaison
Il s’est assis, ensuite il a ouvert son
journal. [relie les deux énoncés]
Remarque
: Attention à l’adverbe tout
(= complètement), il est invariable mais subit parfois un accord
euphonique. Ainsi on dira : «
Ces
fruits sont tout verts », mais aussi
« Elles sont tout(es) honteuses
».
2
Morphologie
[…]
3
Syntaxe
[…]
4
Sémantiquement
Il est facile et pratique d’établir un classement des adverbes basé
sur leur signification. On distingue alors :
les
adverbes de manière : tristement
- en sifflotant
-
les
adverbes spatio-temporels : ici
- là -
çà
et là - quelque
part - ailleurs
-
souvent - rarement
- jamais (= une
fois / un jour)
- quelquefois
- parfois - demain
- hier - alors...
les
adverbes d’assertion et d’interrogation : ne
...pas - ne...point
- ne...guère
- ne ...nulle part
- ne... jamais
- certainement
- rarement -
à
peine - ne...pas
du tout - oui
- non - peut-être
- quand ? - où
? - comment ?...
les
adverbes quantitatifs : beaucoup
- peu - souvent
- rarement -
totalement
-
partiellement
- plus - moins
- aussi - fort
- encore - très
- même
- presque - autant...
les
adverbes contrastifs ou consécutifs : pourtant
- cependant -
par
contre -
ensuite
- puis...
Remarque
: Comme il s’agit d’opérateurs de localisation, d’adjectivation,
d’assertion, il est normal que leur sémantisme se recoupe. Ainsi
on peut avoir un adverbe à la fois temporel et négatif, comme
ne...
jamais.
5
Ce sont des opérateurs
Au delà de la description formelle et syntaxique de cette catégorie
grammaticale, il faut déceler les opérations que les adverbes
supportent ou expriment :
L’adverbe
peut jouer le rôle d’un Complément de rang 3
Il
fonctionne comme complément circonstanciel de temps, de lieu,
de manière de l’énoncé :
Ils vont souvent
au cinéma.
Il
peut servir de modifieur du verbe d’où son appellation. Dans ce
rôle d’adjectivation du verbe, il peut en modifier le sens :
Il joue merveilleusement
bien, mais il parle en
bégayant.
Ne fais rien
avant
que je te fasse signe.
Elle se hâte lentement.[la
tortue]
Il
sert aussi d’outil de liaison. Il peut relier deux énoncés,
soit à la place d’une conjonction, soit pour la renforcer :
Il commence par toussoter, (mais) ensuite
(seulement), il se met à parler.
Indications
pédagogiques
Progression
Les niveaux 6° et 5° sont parfaitement concernés par ce
chapitre. En effet le travail de classement suggéré par le
chapitre est à mener avec le concours de la classe. De plus, le
rôle d’opérateurs de liaison / quantification / assertion
/ localisation / identification constitue une nouveauté pour tous
les niveaux.
Les élèves de 4° et 3° y trouveront matière
à confirmer les opérations de modalisation assertive et appréciative.
Ceux de seconde pourront découvrir ou redécouvrir la richesse
de cette catégorie grammaticale dont la langue est truffée,
notamment le discours oral :
Personnellement, en fait, en vérité,
en principe...
Rapprochements
Une fois de plus, il faut faire découvrir aux enfants que les limites
des champs opératoires de ces opérateurs que sont les prépositions,
les conjonctions et les adverbes sont ténues.
Prépositions
- Adverbes - Conjonctions :
Le train de Toulouse est arrivé après celui de Biarritz.
[préposition]
Non, pas du tout, il est arrivé après.
[adverbe]
Après qu’il s’est (s’être) calmé, il m’a raconté
toute l’histoire.[conjonction de subordination]
Le
mot est le même, son sens spatio-temporel aussi, seule la syntaxe
change en fonction de la décision de l’énonciateur.
Cet
opérateur peut même appartenir à deux catégories
grammaticales traditionnelles dans :
Après s’être soulagé...
[préposition et / ou conjonction]
[Fin
de l’extrait]
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